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RETOUR À LA LOI - Crédit d’Impôt Collection

  • francoisbiquillon
  • il y a 17 heures
  • 4 min de lecture

Cas d’école : Un fabricant de vêtements de dessus sous-traite l’essentiel de sa production à un façonnier tunisien. L’administration fiscale conteste, à tort, son éligibilité au Crédit d’Impôt Collection.

 

  1. Rappel fondamental : seule la loi fiscale est opposable au contribuable

Il est de jurisprudence constante que seules les dispositions législatives et réglementaires sont juridiquement opposables au contribuable. En matière fiscale, la norme de référence exclusive est le Code général des impôts.

La doctrine administrative publiée au BOFiP (Bulletin Officiel des Finances Publiques - Impôts) n’est, en revanche, opposable qu’à l’administration, sur le fondement de l’article L. 80 A du Livre des procédures fiscales. Elle ne saurait ni restreindre le champ d’application d’un dispositif légal, ni subordonner son bénéfice à des conditions que la loi n’a pas prévues. La jurisprudence, quant à elle, n’est pas davantage opposable au contribuable, lequel peut toutefois s’en prévaloir lorsqu’elle lui est favorable.

En matière de Crédit d’Impôt Collection, aucune disposition de l’article 244 quater B du CGI ne prévoit que l’entreprise bénéficiaire doive être propriétaire de son outil de production, ni que la fabrication doive être réalisée en France ou au sein de l’Union européenne, ni encore que le recours à une sous-traitance intégrale fasse obstacle, par principe, à l’éligibilité au dispositif.

La loi seule fonde donc l’éligibilité du contribuable au Crédit d’Impôt Collection.


  1. Évolution restrictive récente du BOFiP et absence de base légale

La dernière version de la doctrine administrative publiée au BOFiP relative au Crédit d’Impôt Collection adopte une lecture sensiblement plus restrictive que les versions antérieures en suggérant que les entreprises sous-traitant intégralement leur production seraient, par principe, exclues du champ du dispositif.

Une telle interprétation constitue non seulement un ajout à la loi, mais également une restriction nouvelle par rapport à la doctrine administrative antérieure, alors même que le texte légal n’a fait l’objet d’aucune modification sur ce point.

Or, une instruction administrative ne peut légalement ni créer une condition nouvelle d’éligibilité, ni retrancher un droit conféré par la loi. En conséquence, une exclusion automatique fondée exclusivement sur cette nouvelle rédaction du BOFiP serait dépourvue de base légale et juridiquement inopposable au contribuable.

Il est à cet égard rappelé que, lorsque la doctrine administrative devient plus restrictive que la loi qu’elle est censée commenter, elle est susceptible d’être regardée comme entachée d’illégalité.


  1. Notion d’« entreprise » au sens du droit de l’Union européenne : existence d’une unité économique unique Donneur d’ordre DO / Sous-traitant ST

Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, constitue une « entreprise » toute entité exerçant une activité économique, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement. La CJUE raisonne en termes d’unité économique, et non de stricte personnalité juridique.

Il est également de jurisprudence établie que plusieurs sociétés juridiquement distinctes peuvent être regardées comme formant une seule et même entreprise lorsque, en raison de liens capitalistiques, de direction, d’organisation et d’absence d’autonomie commerciale, elles constituent une unité économique unique.

En l’espèce, l’analyse factuelle conduit sans ambiguïté à caractériser une telle unité économique entre DO et ST :

– la société ST est détenue et dirigée par les deux dirigeants de DO ; – ST ne dispose d’aucune autonomie commerciale réelle ; – ST produit exclusivement ou quasi‑exclusivement pour le compte de DO ; – les modèles, cahiers des charges, spécifications techniques, quantités, matières premières, procédés de fabrication et exigences qualitatives sont intégralement définis et contrôlés par DO ; – DO supporte seule le risque économique et commercial lié à la conception, à la production et à la commercialisation (invendus, évolution des collections, acceptation du marché).

Il en résulte que l’ensemble constitué par DO et ST forme, au sens économique et européen du terme, une unité économique unique, correspondant à une entreprise au sens du droit de l’Union.


  1. Caractère industriel de l’activité exercée par l’unité économique DO / ST

DO exerce directement, en France, l’ensemble des fonctions essentielles du cycle industriel :

– la création et la conception des collections ; – le stylisme et les développements techniques ; – la réalisation et la validation des prototypes ; – les essais de matières, de tissus et de composants ; – la mise au point des procédés de fabrication ; – la planification et le pilotage de la production ; – le contrôle qualité industriel ; – la commercialisation des produits.


Elle supporte, en outre, l’intégralité :

– des coûts de recherche, de développement et de mise au point ; – des risques techniques et industriels ; – des risques commerciaux.

La société ST constitue, pour sa part, un outil de production intégré, chargé de l’exécution matérielle des opérations de fabrication sous le contrôle étroit, permanent et exclusif de DO.

Cette organisation caractérise pleinement l’exercice d’une activité industrielle au sens économique et fiscal du terme, la fabrication s’inscrivant dans un cycle industriel complet placé sous la maîtrise de l’unité économique DO / ST.


  1. Antériorité, constance de la situation de fait et sécurité juridique

DO bénéficie du Crédit d’Impôt Collection depuis 2009 sans discontinuité. La société a été contrôlée en 2014 et en 2018, sans qu’aucune remise en cause du caractère industriel de son activité ni de l’éligibilité au CIC n’ait été formulée.

La situation de fait n’a connu aucune évolution depuis ces contrôles :

– même organisation industrielle ; – même recours à la société ST ; – mêmes modalités de conception, de pilotage et de commercialisation.

En l’absence de toute modification de fait ou de droit, une remise en cause actuelle fondée sur une interprétation administrative nouvelle et plus restrictive serait de nature à porter atteinte au principe de sécurité juridique ainsi qu’au principe de confiance légitime.

 

Pont de l’Arche, le 07 décembre 2025

 

François BIQUILLON

06 09 17 32 23

 

 
 
 

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